Vélo électrique, épisode 3 : ça roule ma poule !

J’ai désormais de quoi motoriser mon vélo de manière un peu plus classe que la première version (quoique, tout dépend de ce que l’on appelle “classe“…).

Au niveau des batteries, j’abandonne les batteries au plomb : lourdes et inadaptées aux forts courants de décharge à cause de l’effet Peukert. Je vais utiliser une technologie plus récente, évidemment le lithium-ion le nickel-cadmium !

Ni-Cd ? Et pourquoi pas ? C’est déjà mieux que le plomb pour différentes raisons :

  • Meilleure capacité massique (40–60 W·h/kg contre 35–40 W·h/kg selon Wikipédia), ce qui est toujours bon à prendre pour un vélo !
  • La capacité volumique est toutefois assez similaire (pas grave, j’ai de la place !)
  • Mais surtout, le Ni-Cd est bien moins sensible à l’effet Peukert !
  • Et j’en ai une petite dizaine de kilos en stock ! (et neufs, s’il-vous-plaît).

Ces éléments sont de type SAFT VTD-2 : 1,2V, 4Ah. Ceux que j’ai sont réunis par dix dans un pack 5S2P pour former une batterie 6V/8Ah.

Ces packs étaient utilisés pour alimenter des blocs d’éclairage de secours assez costauds. Ou plutôt, c’étaient des packs neufs destinés à la maintenance préventive de blocs existants. Le remplacement n’a jamais eu lieu et ces accus n’ont donc jamais alimenté quoi que ce soit.

Je possède 6 packs de ce type, ce qui permet de créer une batterie 36V, 8Ah tout-à-fait honorable grâce à un assemblage 30S2P .

Je les sors donc d’un placard après plus d’une décennies de stockage (heureusement, le Ni-Cd a une bonne durée de vie et ne craint pas trop la décharge profonde).

Les éléments ont chacun une tension comprise entre 0,6 et 0,9V, la première chose à faire est donc de les équilibrer. Pour cela, je modifie le câblage des packs pour transformer le 5S2P en 1S10P. Je câble ensuite ces six packs en parallèle pour former un pack 1S60P de 1,2V et 240Ah (!!!). Les éléments étant maintenant tous en parallèle, faire quelques cycles de légère surcharge/décharge profonde devrait les équilibrer : le Ni-Cd supporte assez bien ce mauvais traitement. De plus, étant tous connectés en parallèle, aucun élément ne peut voir sa tension à ses bornes s’inverser, chose qui pourrait arriver si deux ou plus étaient connectés en série.

Je regrette de ne pas avoir fait de photo du pack à ce stade. J’utilise pour le charger une alimentation 5V/10A en série avec une ampoule halogène 12W/150W. La même ampoule me sert à le décharger. La faible résistance à froid de son filament est parfaite pour en faire un générateur de courant grossier.

Une dizaine de jours mais seulement 5 cycles plus tard, j’estime les packs assez équilibrés. Il est temps de trouver un vélo et de chercher un moyen de les fixer :

Comme vous pouvez le voir, ce n’est pas le même vélo que celui utilisé lors de mes tout premiers essais. En effet, j’ai décidé de garder ce dernier intact : j’aurai certainement besoin d’un vélo classique de temps en temps (par exemple, pour les très longs trajets).

C’est donc un autre vélo de récupération que j’envisage de modifier. Malheureusement, celui-ci n’est pas vraiment adapté :

  • Il possède des roues 28″, or ma roue motrice est en 26″ ce qui m’obligerait à déplacer les patins de frein.
  • La forme de son cadre m’empêche de fixer les 6 packs de batterie en ma possession.

Pas grave, j’en récupère encore un autre, un vieux VTT 26″ avec une forme de cadre plus adaptée (là-encore, pas de photo 🙁 désolé). Je découpe deux planches de bois à la taille du cadre et recommence le Tetris pour placer les packs :

Je compte intégrer un chargeur sur le vélo afin de pouvoir le charger n’importe où une prise 230V est accessible, sans avoir à le transporter dans un sac. C’est pour cette raison que l’on voit également un transformateur sur la photo.

Le chargeur, parce que sinon, on va peut-être aller loin, mais qu’une fois

Les accus Ni-Cd se chargent à courant constant, autour de C/10 habituellement. Il est possible de gagner du temps en montant jusqu’à C/5 voire C/2 (certains chargeurs chargent à C, mais je ne le recommanderai pas). Durant la charge, la tension aux bornes de la batterie monte jusqu’à un maximum atteint lorsque la charge est complète. Il faut alors couper la charge, ou mieux, passer en charge de maintien (“trickle charge“). Ce type de détection de fin de charge est le plus efficace pour charger entièrement la batterie tout en repérant rapidement lorsqu’elle est pleine, ce qui permet d’éviter la surcharge. On nomme cette technique le “- Delta V”.

Ci-dessous, la courbe de tension d’un élément au cours du temps lors de sa charge, pris sur l’excellent site Battery University :

La fin de charge doit être détectée lorsqu’un accu voit sa tension chuter d’environ 5-10mV.

Je passe un peu de temps à fouiller mon garage à la recherche d’un moyen de convertir le secteur en une basse tension DC utilisable par mon chargeur. Une batterie Ni-Cd peut monter jusqu’à 1,6V par élément lors qu’une charge rapide, ce qui fait 48V pour le pack complet. J’ai donc besoin d’une bonne cinquantaine de Volts pour disposer d’une marge nécessaire à la régulation du courant. Je me tourne initialement vers un bon vieux transformateur tel que celui montré plus haut, mais ceux que je sors des tiroirs ne sont pas vraiment adaptés, en terme de tension ou de courant. Je tombe alors sur une caisse contenant une vingtaine de drivers de LEDs AC/DC Inventronics EUC-040S070DS :

https://images-na.ssl-images-amazon.com/images/I/51S1WafR-xL.jpg

Ce driver de 40W donne un courant constant dans la plage de 18 à 54V. C’est exactement ce qu’il me faut ! La régulation de courant est déjà réalisée en interne, ce qui va simplifier le circuit de mon chargeur. Comble de la chance, ce driver permet même de faire varier son courant de sortie via une entrée 0-10V ! La simple mise à la masse de cette entrée permet donc de réduire le courant de charge à 70mA, ce qui est parfait pour la charge de maintien : je n’ai même pas à réaliser moi-même la commutation de puissance.

Je choisis d’en intégrer deux dans le vélo, afin de charger les batteries sous 1,4A, soit C/5,7. La durée de charge complète du vélo est ainsi de 6-7h, mais comme les batteries sont rarement complètement vides, une durée de 4-5h devrait être constatée en pratique. J’assemble donc les deux drivers entre eux et installe une embase IEC C14 pour l’arrivée 230V :

Sur le connecteur 4 points vert, on trouve la masse, le signal 0-10V (commun aux deux blocs) et les deux sorties positives. J’ai décidé de ne pas les mettre directement en parallèle et de les acheminer séparément sur la carte.

Je m’attelle maintenant à la réalisation d’un circuit pour détecter la fin de charge des accus, que je décide de réaliser numériquement grâce à un microcontrôleur. Chaque accu voit sa tension chuter de 5-10mV lorsqu’il est chargé (1,6V), ce qui représente environ 0,3% de variation de tension à détecter. J’ai l’habitude de programmer des PIC de Microchip, en particulier les 12F629/675, 16F628A ou 18F2550/4550 suivant la complexité du projet, qui embarquent chacun un ADC de 10 bits. Ces derniers ont donc une résolution de 0,1% de leur pleine échelle, ce qui est à mon goût trop peu par rapport à mon seuil de détection. De plus, la tension de pleine échelle de mon ADC correspondra certainement à plus de 1,6V par élément pour être sûr de ne jamais le saturer. Je choisis alors une référence de microcontrôleur équipé d’un ADC 12 bits, le 18F2523, que je demande en échantillon sans plus tarder.

En attendant, je réalise le circuit. Pas grand chose dessus : un régulateur DC/DC TL2575HV-ADJ qui me permet d’obtenir une tension de 3,5V (pourquoi celle-ci ? parce que c’est celle qui correspond au pont diviseur de feedback créé avec les résistances que j’avais sous la main…) associé à son inductance de 100µH et sa diode Schottky. Pour l’anecdote, j’avais au début oublié cette dernière… Cela a fonctionné quelques heures, mais le régulateur chauffait. Puis il a claqué. Je le change et rebelotte, même comportement. C’est seulement après examen plus attentif de mon montage que je constate l’absence de la diode.

Certains se diront, à juste titre, qu’un régulateur DC/DC est à priori peut-être un peu surdimensionné pour alimenter un simple microcontrôleur 8 bits qui consomme à tout casser 10mA. C’est vrai, toutefois j’installe également deux LEDs témoin :

  • La première, rouge, indique que le chargeur est alimentée.
  • La seconde, verte, est éteinte durant la charge. Elle s’allume de manière fixe lorsque les accus sont chargés, clignote rapidement en cas de surtension (tension batterie supérieure à 52V pendant la charge, ce qui en pratique n’est arrivé que lorsque le pack était déconnecté) et clignote lentement si la charge s’est arrêtée après 7h sans avoir détecté le -dV.

A raison de 20mA par LED pour les rendre bien visibles même en plein jour, on arrive à 50mA. A vide, la tension délivrée par les drivers peut monter à 60V qui ce correspond à une puissance de 3W à dissiper dans un régulateur linéaire. Il aurait fallu le monter sur un dissipateur, et puis de toute façon, je n’en avais pas qui tienne une telle tension (40V pour le LM317, 35V pour le 7805).

On voit le connecteur 4 points pour le bloc alim et un connecteur 2 points pour les batteries. Juste à côté, un fusible rapide de 1A et l’inductance du convertisseur DC/DC dans un bout de gaine thermorétractable rouge. Le PIC est au format DIL28 en bas. Une double diode au format TO-220 isolé permet de réunir les deux drivers en évitant les retours du courant de l’un dans l’autre.

Le régulateur était initialement au format TO-220 à 5 broches en ligne, que j’avais placé en bord du circuit imprimé. Suite à sa destruction, je n’avais malheureusement pas d’exemplaire de remplacement dans le même boitier. Pas grave, un DIL16 fera aussi bien l’affaire :

Le chargeur étant terminé, j’intègre le tout dans le vélo. C’est plein comme un œuf, on peut dire que l’espace est bien rentabilisé !

Les 6 packs d’accus blancs sautent aux yeux. A droite, emballé dans du scotch gris, les deux drivers de LEDs qui font office de chargeur. Juste au-dessus, le circuit de détection de fin de charge. Encore au-dessus, encastrés dans la planche de bois supérieure, l’interrupteur On/Off général à droite et un module voltmètre-ampèremètre à gauche. La prise 230V pour le chargeur n’est pas visible et se situe en dessous des drivers de LEDs. On remarque aussi le fusible automobile 30A dans le coin inférieur gauche. C’est une protection absolument indispensable.

Vue sur le voltmètre-ampèremètre. C’est un module très important car le contrôleur ne se préoccupe ni de la tension des batteries, ni du courant consommé par le moteur. C’est à moi de surveiller de ne pas trop les décharger, ni de tirer trop de courant. Sur du plat, pour rouler autour de 30-35km/h sans trop forcer sur les pédales, le moteur consomme 6-8A. Dans une forte côte, le courant peut dépasser 30A si je n’y prends pas garde. J’essaie alors de me limiter à cette valeur, et ce pour quelques minutes tout au plus. On aperçoit également à gauche et la droite le complexe système de fixation du bois sur le cadre : demi-collier de plomberie + vis à bois.

Détail de la carte chargeur, avec en haut à droite une autre vue sur la vis à bois qui maintient la planche sur le cadre :

Les plus attentifs constateront peut-être que le contrôleur embarqué en haut à gauche sur la vue globale n’est pas celui présenté dans l’épisode précédent. A juste titre, cette photo a été prise plus tard et comporte des évolutions… Chut, c’est pour un nouvel épisode ! Effectivement, à cette époque, le contrôleur primitif est encore constitué des deux cartes : une interface de puissance réalisé à partir du contrôleur chinois modifié, et un veroboard contenant un Arduino Nano pour le logiciel. Une autre évolution que l’on voit sur la photo mais qui n’était pas présente initialement est l’interrupteur inverseur encastré dans la planche supérieure à gauche ainsi que le connecteur XT60 qui sort par la gauche également : j’ai par la suite récupéré une batterie Li-ion, que je sanglais sur le porte bagage pour augmenter l’autonomie du vélo. L’interrupteur me permettait de basculer entre la batterie au lithium externe et les accus Ni-Cd internes. (Remarquez que je parle au passé… C’est qu’il y a encore eu d’autres progrès depuis !). Cela ressemblait alors plus ou moins à ceci :

Une autre vue générale du vélo, avec autour le garage où il est né :

Une dernière photo globale :

Dans le prochain épisode, le spectacle son et lumières !

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